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Kev et ses Crohniques (malade du Crohn)
8 février 2022

Mental : Le visible efface l'invisible

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Dans toutes maladies invisibles, comme la Maladie de Crohn, le mental est primordial. 

Pour ma part, lorsque l'on m'a annoncé à 21 ans (2003) que j'étais atteint d'une maladie incurable j'ai revu les galères de ma mère, petit. On lui avait décelé une maladie incurable (Hyppogamma globulinémie, c'est-à-dire plus d'anticorps) à 21 ans lorsque ma petite sœur est née. Mais elle était mariée et avait des enfants, alors que moi, non. Et je ne voyais pas comment une fille voudrait d'un gars qui va 20 fois aux toilettes par jour. Pourquoi elle se ferai chier (petit jeu de mot) avec un mec malade. 

J'ai été pendant 10 jours abattu, je réfléchissais, je ruminais et j'essayais finalement d'entrevoir une lumière positive. Et un matin, j'en ai eu marre. Je me suis levé en me disant "Allez, ce n'est pas en étant triste que ça va s'arranger. Ce n'est pas en t'apitoyant sur ton sort que ta maladie de Crohn va partir. J'ai deux solutions. Soit je sombre et je me mets une balle. Soit je me bats, j'avance et on verra ce qui se passera".

J'ai choisi la seconde solution. Mais ce n'était pas gagné. Parce qu'enfant j'aimais qu'on s'occupe de moi, lorsque j'étais blessé ou malade qu'on me chouchoute. Alors relever la tête en 10 jours et décider de se battre, même moi je ne l'aurai pas imaginé.

J'ai décidé d'extérioriser, de ne pas avoir honte de ma maladie. Alors j'en parlais librement. Je ne trouvais aucune excuse à mes nombreux allers-retours aux toilettes, à mes maux de ventres, à ma prise de médicaments ou au fait que je ne mange pas certains aliments. Pourquoi devrais-je le cacher ? 

L'idée n'étais pas de me plaindre ou que l'on me dise "Mon pauvre Kevin". Non, je considérais que les gens devaient comprendre qu'avoir une maladie ou un handicap ce n'est pas un fardeau, qu'ils n'ont pas à baisser les yeux ou se sentir mal à l'aise. Malheureusement, une partie de ma famille ne voulait pas que j'en parle. Une honte ? La peur ? Je ne sais pas.

Je me suis découvert un mental. 

Les épreuves forgent, mais ne suppriment pas les doutes

J'ai subi 4 opérations en 2006-2007 où j'ai dû me débrouiller seul. La pire a été la troisième, lorsque je me suis fait opérer à la clinique du Trocadéro. J'étais dans un état horrible, très fragile. Je suis partit seul en VSL fin juillet. Le VSL m'a déposé trop tôt. La clinique m'a demandé de revenir 3h plus tard. Je suis allé sous la Tour Eiffel manger un sandwich, tout en essayant de surmonter mes douleurs. 

Je me suis fait opérer, je suis resté 5 jours sans appels, sans nouvelles. Ce n'est pas grave. J'en ai voulu à personne, je n'en veux à personne. C'est mon histoire, ma vie avec des hauts et des bas comme tout le monde. Je n'ai pas râlé, pas pleuré. J'ai assumé et je me suis battu. Je n'en veux pas à ceux qui ne sont pas malade, car ils ne peuvent se mettre à notre place. Moi, si je n'avais pas eu ce Crohn j’aurais sûrement été comme beaucoup de monde. A tourner la tête en pensant que cela ne peut pas m'arriver.

J'ai failli être amputé en 2005 de ma jambe droite, un Pyoderma-Gangrenosum. 1% des gens qui ont le crohn l'attrape. Ma jambe était noire. Mais j'ai fait 3 semaines de colonie comme éducateur, puis 15 jours de centre de loisirs sans me plaindre et en bossant comme les autres. C'est ma directrice qui un lundi matin m'a renvoyé pour que j'aille consulter tellement je souffrais. 

Puis en 2007, j'ai rencontré ma merveilleuse femme. La femme de ma vie. On a eu 3 beaux enfants que j'aime plus que tout au monde. Mais la maladie était toujours présente. Elle a su me rendre meilleur, elle a su m'apprivoiser car je ne voulais jamais qu'elle m'accompagne à l'hôpital. Une habitude. J'ai mis du temps à accepter, à sentir enfin que quelqu'un s'inquiétait pour moi.

En 2010, ma jambe a de nouveau gangréné. En 2012, j'ai commencé à avoir des abcès à l'intestin et je suis passé aux traitement anti-TNF par piqûre. En 2014, j'ai dû subir une nouvelle opération de fistules anales. En 2015 encore deux autres et arrivé à l'été 2015 les abcès l'intestin se sont aggravé. Je souffrais tellement que je ne pouvais pas me nourrir. En août 2015, on a dû me poser un Pic-line afin qu'on me nourrisse par voie veineuse et que j'arrête de perdre du poids.

En décembre 2015, il a été décidé que l'on devait m'opérer de l'intestin. Me couper un bout de cet intestin infecté, un petit volcan d'après mon spécialiste.

En 2016, on m'opère et je tombe dans le coma. Après l'opération mon intestin s'est infecté et j'ai fait un choc septique et une péritonite. On a appelé ma femme en pleine nuit pour lui dire que j'avais 1 chance sur 10 de m'en sortir. Emma avait 5 ans et Eden 3 ans. 

Finalement je m'en suis sorti. Au réveil je ne parlais pas, je ne pouvais pas écrire ou parler. Encore moins marcher. Mais très vite j'ai été chiant. J'ai voulu faire du kiné, sortir de réanimation puis des services en soins continus. Je me donnais des objectifs. C'était un combat. Je suis rentré à la maison, je ne pouvais pas faire 10 mètres en marchant. 

J'avais une stomie, un VAC, j'avais la HAD qui venait chaque jour et je ne pouvais sortir qu'en fauteuil roulant. Le nombre de fois où ma stomie s'est vidée sur le canapé, dans le lit, dans la voiture, ... J'avais honte de faire subir cela à ma femme et mes enfants.

Et puis on m'a enlevé la vésicule et j'ai subi 2 opérations d'éventrations en 2017 et 2018.

Alors j'ai subi et surmonté tout cela presque sans difficultés (j'exagère). Seulement lorsque je passe dans la file pour personnes prioritaires, on me regarde comme une mauvaise personne car je ne peux pas être handicapé. Sincèrement, je m'en fous.

Ce qui est réellement difficile moralement, c'est que je n'ai rien demandé de tout ça. La maladie je la gère sans problème. Je me fais opérer dans 1 semaine et je ne me tracasse pas.

Seulement, chaque jour je me bats car depuis que l'on m'a enlevé la vésicule j'ai pris 13kg. Je n'ai jamais mangé aussi sainement, et en si petite quantité de ma vie. J'ai fait des régimes, pris une nutritionniste et rien de bénéfique. Je fais 3h de sports par semaine pour compenser. A cause de ce poids pris, ma langue a grossi et par conséquent ça me fait ronfler et je réveille ma pauvre femme.

Alors je culpabilise de devenir, en plus d'être handicapé et malade, à ces yeux un gros pachyderme qui l'empêche de dormir et qui est si moche que même une aveugle ne voudrait pas de moi. Il ne faut pas oublier que sur mon ventre j'ai des cicatrices horribles. 

Comment peut-elle encore m'aimer ? Comment mes enfants n'ont-ils pas honte de leur papa en me regardant ? 

Moi j'ai honte. Je ne dis rien, je souffre et j'essaye de tout faire pour les garder près de moi. Pour qu’ils gardent un minimum de fierté.

Comment, après 6 ans d'invalidité, je peux avoir une bonne estime de moi ? Je ne bosse plus, je n'aide plus les autres (j'étais éducateur chez ados en quartier) et je deviens quelqu'un de physiquement détestable.

Alors oui, c'est vrai j'ai un gros mental. Tout le monde le dit, et je me sortirai de la plupart des épreuves. Seulement, cela n’enlève pas les doutes, et le fait d’avoir honte de soi, que ceux qu'on aime aient honte de nous. C'est une souffrance invisible. 

Ça ne se voit pas sur moi et finalement on peut dire que dans un bon nombre de situations pour chacun d'entre nous, le visible efface l'invisible. On ne s'en préoccupe pas. 

Une chose est sûre je n'abandonnerai jamais, et je chercherai toujours de solutions.

Prenez soin de vous

Peace

Kev

 

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Commentaires
N
Tu as le droit d'avoir des peurs, des doutes et de la colère mon garçon. Tu es courageux et l'opération à venir est encore une grande étape. Moi, ta maman, je suis fière de toi. Tu es quelqu'un de bien et tu as droit au bonheur, au respect et à l'amour. Je pense fort à toi. Je t'aime
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Kev et ses Crohniques (malade du Crohn)
  • Atteint de la maladie de Crohn depuis 2003 je souhaite décrire le quotidien d'un malade (joies, peines. douleurs,..) On est tous différents et mon témoignage n'est que personnel, en toute humilité. La vie est belle, essayons de garder le sourire. Peace.
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