Crohn : Un combat de chaque instant !
Voilà la phrase que j'entends régulièrement "On n'dirait pas que t'es malade". Pour être honnête 95% du temps cela me convient assez bien mais sur les 5% restant c'est assez pénalisant. Depuis bientôt 15 ans (juillet 2003) que l'on m'a décelé la maladie j'évite de me plaindre, j'évite de parler de ma maladie et je tente de me faire tout petit.
Être atteint de la maladie de Crohn c'est avoir un quotidien assez compliqué. Pour ma part en tout cas car on est tous différent, surtout avec un Crohn. Si je ne prend pas mon Questran je vais entre 10 et 30 fois aux toilettes par jour. Si je le prends, je suis parfois ballonné. D'un côté je vais moins aux toilettes mais de l'autre je ne suis pas toujours bien. Dans la première situtation cela peut même arriver que je sois obligé de faire demi-tour pour aller aux toilettes en urgence. Voire que je rentre plus rapidement. Si je suis seul je ne pénalise que moi, si je suis en famille ou avec des amis je vais essayer de retarder l'échance de mes toilettes parce que je ne veux pas que l'on me pose des questions, que les regards se portent sur moi ou entendre de petites phrases du genre "Tu veux faire caca ?" avec de grands sourire en coin. C'est déjà assez difficile comme ça. Si je suis dans un lieu où il y a des toilettes alors ça peut fortement m'aider mais aller dans un bar, au Mc Do ou dans un autre commerce pour demander les toilettes, avec la possibilité de me les faire refuser et être obligé de sortir ma carte "Urgence toilettes" ça me rend mal à l'aise. Encore faut-il que les WC soient propre et fournis en papier WC.
Je vais vous donner deux-trois exemples. Il y a peu, je couvrais pour footpy le match Montauban-Croix de Savoie (Féminine) et bing une urgence toilettes. Je pensais pouvoir rentrer à la maison tranquilou (20mn de route) mais non. Je m'arrête en urgence au Mc Do et file du mieux que je peux aux toilettes (effet gastro à vie). J'arrive à temps mais pas de papiers. Je me retrouve donc dans la merde (rires). A ce moment-là, je ne sais pas quoi faire. Soit j'attends un autre collègue de toilettes pour prévenir le responsable de chez Mc Do, soit je tente de trouver une solution intermédiaire. Sauf que personne arrive. Je n'ai ni mouchoir, je n'ai ni pris mon sac à dos où j'ai toujours des lingettes, en pensant que Mc Do serait aux normes. Erreur. Donc je décide de le faire avec mes tickets de caisses de mes achats de la veille. Pas top mais pas le choix. J'ai fais avec les moyens du bord. Cela me servira de leçon, maintenant je ne quitterais plus mon sac à dos, quitte encore une fois à être la cible de quolibets (mot utilisés jusqu'en 1272 avant JC).
La seconde anecdote. J'ai passé un module d'entraîneur la semaine dernière. Le vendredi matin je ne me sentais pas très en forme mais j'ai continué ma formation quand même. Arrivé au stade il n 'y avait que des toilettes turque. Impossible pour moi de faire quoi que ce soit dans ces conditions. Avec l'accord de mes formateurs, j'avais l'autorisation exceptionnelle de quitter le groupe en cas d'urgence pour aller aux toilettes du Leclerc qu était à cinq minute du terrain synthétique du Soulou. Mais là encore, tu es obligé d'en parler, de te justifier, d'être le centre des attentions alors que tu cherches par tous les moyens des les éviter. Tu souffres physiquement car il est hors de question de ne pas faire ma formation à fond mais tu souffres moralement aussi.
La dernière anecdote est arrivée hier soir. On part en famille aux Lanternes de Gaillac. La soirée se passait bien jusuqu'au moment où j'ai senti mon ventre me faire mal et à faire des siennes. Il y avait un spectacle. Pour ne pas se retrouver tout derrière, nous sommes arrivés 30 minutes avant. Seulement, aucune place assise pour les gens comme moi, je me suis fondu dans la foule sans me plaindre, sans rien demander. Malheureusement, mon état m'a rattrapé. J'ai dû sortir de cette foule qui me collait car ma cicatrice et mon éventration me faisaient mal. Sans parler de mon envie de plus en plus pressante d'aller aux toilettes. Attendre trente minutes debout plus regarder un spectacle de 30 à 40 minutes encore debout cela m'était impossible; Au milieu de tout cela une partie de ta famille se plaint d'avoir froid, d'autres qui ne font que râler et ne pense même pas qu'à côté d'eux il y a un papa qui serre les dents pour ne pas gâcher la soirée de ces enfants ou de ceux qui l'accompagnent. Sauf que moi si j'ai le malheur de dire un truc c'est tout de suite mal pris.
Tout cela pour dire que d'être malade ce n'est pas forcément visible, que parfois on prend tellement sur nous que l'on craque nerveusement. Un grain de sable devient une dune. Être atteint de la Maladie de Crohn est un quotidien psychologiquement et physiquement compliqué, voire difficile. Est-ce que l'on nous comprend ? Je ne suis pas sûr. En tout cas pas chez moi, pas tous ça c'est sûr. Même à la maison tu dois te taire. Tu as une "Urgence toilettes" mais tout le monde te dit "Je peux y aller avant toi c'est pressé", comme si moi ça ne l'était pas. J'y peux quelque chose si ça prend du temps ?
Je ne demande pas de passer avant tout le monde, je ne demande pas de ne pas me faire chambrer ou que les regards soient portés sur moi, bien au contraire mais parfois messieurs-dames essayés un peu de vous mettre à la place d'un crohnien. La plupart des gens se plaignent pour un rien et, nous, on devrait toujours sourire ? Ne jamais rien dire ? Ne jamais râler, pleurer, souffrir ou avoir honte ? Vous croyez que je n'ai pas honte de laisser mes enfants à un maître nageur car j'ai une urgence et que je suis seul pour m'en occuper à la piscine alors que le matin on devait y aller à trois adultes ? Mais j'ai choisi de faire plaisir à mes gosses avant de penser à moi. Je ne suis pas triste quand ma fille me dit dans la cabine "Papa, les gens vont se moquer de ton ventre. J'aime pas". Je fais face, je lui dit qu'on ai là pour s'amuser et je ravale ma tristesse en évitant que montrer que j'ai honte, et qu'effectivement je vois les regards se porter sur moi quand je suis torse nu. Je me dois chaque jour d'être fort, au moins pour mes enfants et il est important de me battre même s'il y a des moments où j'aimerais seulement être un peu tranquille et que l'on me comprenne un minimum. Pas grand chose, juste que les gens et mon entourage arrivent à se dire "J'ai froid ? J'ai mal ? Je suis triste ? ... Ah ben lui peut-être aussi qu'il n'est pas au mieux". Et je ne parle même pas de ceux qui s'en foutent complet et qui ne voient que par leur nombril sans jamais se remttre en question.
Ce n'est pas pare qu'on ne dit rien, que tout va bien. Certaines grandes phrases moralisatrice ou pseudo phylosophique ne font qu'empirer les choses et nous faire culpabiliser au lieu de nous réconforter. Je me pose même la question parfois de savoir, quand. je ne suis pas bien, si ce n'est pas moi qui exagère. Moi qui exagère ? Avec un peu de lucidité je ne pense pas, surtout quand j'entends trop de monde se plaindre pour rien ou s'engueuler pour des conneries.
Le quotidien d'un malade du crohn ne s'arrête pas aux Urgences Toilettes ou au simple fait de ne pas pouvoir manger de légumes ou de fruits. C'est bien plus complexe que cela. C'est un combat de chaque instant.
Alors les Geeks, demain vous me laissez les toilettes ?
Kev